Le soldat inconnu

En France

Désirant ardemment honorer les 1 400 000 morts de la Grande Guerre de 1914-1918, le gouvernement français décide d’inhumer un soldat inconnu sous l’Arc de Triomphe à Paris. Pour cela, le gouvernement fait exhumer neuf dépouilles de soldats inconnus tombés durant les principales batailles : Verdun, Somme, Chemin des Dames, Flandres, Artois, Marne, Lorraine, Alsace et Champagne. Manquant de certitudes sur la nationalité d’un des corps, seuls huit cercueils sont déposés en colonne au sein de la citadelle de Verdun le 9 novembre 1920, veillés par une garde d’honneur composée de soldats du 132e régiment d’infanterie.

Le 10 novembre, André Maginot, ministre des Pensions, demande au garde d’honneur Auguste Thin, fils d’un combattant disparu, de désigner le soldat qui reposera sous l’Arc de Triomphe. Ne sachant comment choisir un cercueil parmi les huit déposés devant lui, Auguste Thin additionne les chiffres de son régiment, le 132e. La somme de ces trois chiffres étant 6 et appartenant au 6e corps, il désigne le sixième cercueil en y déposant un bouquet d’œillets blancs et rouges.

Le soldat inconnu désigné quitte aussitôt la citadelle de Verdun sous escorte militaire et est transféré en train à Paris. Arrivé à Paris, le cercueil du soldat inconnu s’arrête une première fois au Panthéon, où un premier hommage est rendu par le président Alexandre Millerand, avant d’être veillé toute la nuit place Denfert-Rochereau.

Le 11 novembre 1920, le cercueil du soldat inconnu, placé sur la prolonge d’artillerie d’un canon de 155, fait son entrée solennelle sous l’Arc de Triomphe après avoir remonté l’avenue des Champs-Élysées. Il est ensuite installé provisoirement dans une salle du pilier gauche de l’Arc de Triomphe dans l’attente que sa sépulture soit prête.

Le 11 novembre 1920 également, les sept soldats inconnus non désignés sont enterrés dans le « Carré des sept inconnus », au cimetière du Faubourg-Pavé près de Verdun. Le 28 janvier 1921, le soldat inconnu est mis en terre en présence des autorités civiles, des autorités militaires et des grands maréchaux Joffre, Foch et Pétain.

La sépulture du soldat inconnu

La sépulture est composée d’un caveau recouvert par une dalle de granite de Vire sur laquelle est inscrite l’épitaphe : « Ici repose un soldat français mort pour la Patrie, 1914-1918 ». Elle est entourée de bornes de métal noir reliées entre elles par des chaînes. À la sépulture du soldat inconnu, une flamme du souvenir est ajoutée. Elle est allumée pour la première fois le 11 novembre 1923.

Elle surgit de la gueule d’un canon braqué vers le ciel, encastré dans un bouclier renversé dont la surface ciselée est constituée par des épées formant une étoile. Depuis cette date, la flamme est ravivée tous les soirs à 18h30. Cette cérémonie, appelée « cérémonie du ravivage », est assurée par l’association « La Flamme sous l’Arc de Triomphe, Flamme de la Nation »

En Grande Bretagne

En 1920, David Railton, aumônier de l’armée britannique sur le front occidental, propose au doyen de Westminster une idée profondément symbolique : enterrer un soldat britannique non identifié, tombé sur les champs de bataille français, dans l’abbaye de Westminster, l’église des rois. Ce soldat deviendrait ainsi le représentant des centaines de milliers de morts de l’Empire britannique au cours de la Première Guerre mondiale.

Pour sélectionner ce soldat, quatre dépouilles de soldats britanniques non identifiés sont exhumées et transportées à la chapelle de Saint-Pol-sur-Ternoise, près d’Arras. Un brigadier est alors chargé de faire ce choix solennel. Les quatre cercueils sont placés devant lui, chacun recouvert d’un drapeau britannique. Les yeux bandés, le brigadier avance et pose sa main sur l’un d’eux. Le choix est fait. Les trois autres dépouilles sont ensuite réinhumées à leur emplacement d’origine.

La dépouille sélectionnée est transférée le 7 novembre à la citadelle de Boulogne sous escorte militaire et placée dans la bibliothèque de la forteresse, transformée pour l’occasion en chapelle ardente. Le lendemain, le corps est placé dans un nouveau cercueil en chêne provenant du palais de Hampton Court. Ce cercueil est ensuite cerclé de fer et orné, sur sa face avant, d’une épée médiévale choisie personnellement par le roi George V au sein de la Collection royale. Au-dessus de l’épée, un bouclier de fer porte l’inscription : « Un guerrier britannique tombé pendant la Grande Guerre 1914 – 1918 pour le Roi et la Nation ».

Le 10 novembre, le cercueil est transféré au port de Boulogne dans un wagon militaire français spécialement conçu pour l’occasion, tiré par six chevaux noirs et escorté par des troupes françaises. Avant son départ pour l’Angleterre à bord du HMS Verdun, le maréchal Foch salue la dépouille. Le navire, escorté par six cuirassés, traverse la Manche jusqu’au port de Dover, dans le Kent. Le guerrier est ensuite transporté par train spécial jusqu’à la gare londonienne de Victoria, où il repose jusqu’au lendemain.

Le matin du 11 novembre 1920, le cercueil est placé sur un chariot de canon de la Royal Horse Artillery. Tiré par six chevaux à travers les rues de Londres, envahies par une foule dense et silencieuse, le cortège fait une halte à Hyde Park. Là, le roi George V dévoile un cénotaphe à Whitehall, conçu par Edwin Lutyens. Le roi rejoint ensuite le cortège, embrassant l’étendard posé sur le cercueil. Le convoi funèbre, désormais suivi par George V entouré de ses fils – le prince de Galles Edward, le duc d’York Albert, Henry duc de Gloucester et George duc de Kent – ainsi que des ministres d’État, se dirige vers l’abbaye de Westminster.

Une cérémonie privée se déroule au cœur de la nef de l’abbaye. Parmi les invités d’honneur, un groupe de cent femmes, toutes ayant perdu leurs époux ou leurs fils durant le conflit, est présent. La dépouille est ensuite inhumée à l’extrémité ouest de la nef, dans de la terre provenant de chacun des principaux champs de bataille. Pendant plusieurs jours, la tombe est recouverte d’un drap de soie aux couleurs de l’Union Jack et veillée par quatre soldats, tandis que des milliers de personnes viennent rendre hommage.

La tombe est finalement scellée par une pierre de marbre noir belge. Cette tombe du Soldat inconnu est la seule de l’abbaye sur laquelle il est strictement interdit de marcher. Sur la pierre, une inscription en lettres dorées, rédigée par Herbert Edward Ryle, le doyen de Westminster de l’époque, est gravée, marquant pour toujours le souvenir de ce sacrifice anonyme.

Aux U.S.A

L’idée d’honorer un soldat américain non identifié, mort sur le sol français, revient à William Connor, commandant des forces américaines en France. Elle s’inspire du projet français d’inhumer un Soldat Inconnu sous l’Arc de Triomphe, réalisé le 28 janvier 1921. Le 4 mars 1921, sous la présidence de Warren G. Harding, le Congrès des États-Unis approuve la création d’un tombeau pour un soldat inconnu américain, qui sera érigé dans le cimetière militaire national d’Arlington.

Le 24 octobre 1921, le corps du Soldat Inconnu américain est sélectionné à Châlons-sur-Marne. Parmi quatre dépouilles provenant de différents cimetières militaires, le sergent Edward Younger est chargé de faire ce choix solennel. Il désigne le soldat en plaçant une rose blanche sur l’un des cercueils.

Le 25 octobre, la dépouille du Soldat Inconnu américain est transportée de Châlons au Havre par train spécial. L’embarquement de la dépouille donne lieu à des manifestations patriotiques franco-américaines. Un impressionnant cortège traverse les rues de la ville, de la gare au quai d’Escale, permettant aux Havrais d’exprimer leur reconnaissance envers le Soldat Inconnu et, à travers lui, envers toute l’armée américaine. Au quai d’Escale, après avoir reçu la Légion d’Honneur des mains du ministre André Maginot, le Soldat Inconnu est embarqué sur le croiseur américain USS Olympia pour son voyage vers les États-Unis.

Le 11 novembre 1921, lors d’une cérémonie solennelle, la dépouille est inhumée au cimetière national d’Arlington. Le président Harding préside la cérémonie en présence de nombreux dignitaires et anciens combattants.

Au fil des années, la tombe du Soldat Inconnu a été élargie pour inclure des soldats non identifiés de la Seconde Guerre mondiale, de la guerre de Corée et initialement de la guerre du Vietnam (bien que le soldat du Vietnam ait été identifié et exhumé en 1998). La garde perpétuelle de la tombe, assurée par les soldats du 3e régiment d’infanterie (« The Old Guard »), ainsi que les cérémonies annuelles, témoignent de la valeur durable de cette tradition et de l’importance du respect pour les sacrifices militaires dans la culture américaine.

Au Canada

En 1998, la Légion royale canadienne (LRC) a lancé le projet d’intégrer une tombe du Soldat inconnu au Monument commémoratif de guerre du Canada, dans le cadre du Programme des partenariats du millénaire. Ce projet visait à honorer les milliers de militaires canadiens et membres de la Marine marchande ayant fait le sacrifice ultime pour leur pays, dont les lieux de sépulture demeurent inconnus.

Étant donné l’importance historique de la bataille de Vimy, premier engagement majeur des Forces canadiennes sous commandement canadien, il a été décidé que les restes du Soldat inconnu proviendraient de ce site emblématique.

Le 25 mai 2000, les restes du Soldat inconnu ont été transportés de Beaurains au cimetière canadien n° 2 à Vimy, où ils ont été déposés devant la Croix du Sacrifice. Par la suite, ils ont été acheminés au Mémorial de Vimy, où une cérémonie solennelle s’est déroulée en présence de dignitaires français et canadiens. Après la cérémonie, le cercueil a été transporté à l’aéroport de Lille, puis embarqué à bord d’un avion CC-150 des Forces armées canadiennes pour son retour au Canada.

Le même jour, l’avion est arrivé à Ottawa, où il a été accueilli par le ministre de la Défense nationale, l’honorable Art Eggleton. Le cercueil a ensuite été transporté en cortège jusqu’au Manège militaire du carré Cartier Square, puis déposé sur un affût de canon pour être conduit à la Tour de la Paix. Une période de veille a été ouverte au public, précédée d’une cérémonie à laquelle ont assisté le gouverneur général et le premier ministre. Le 28 mai 2000, le cercueil a été transporté au Monument commémoratif de guerre du Canada, où une cérémonie nationale a rassemblé plus de 15 000 spectateurs et environ 1 000 vétérans. Plus tard dans la journée, la tombe du Soldat inconnu a été scellée, marquant ainsi l’achèvement du projet.

Aujourd’hui, la tombe du Soldat inconnu occupe une place centrale dans toutes les cérémonies tenues au Monument commémoratif de guerre du Canada. Lors de la cérémonie nationale du jour du Souvenir, des milliers de Canadiens déposent leur coquelicot sur la tombe en hommage à ceux qui ont donné leur vie pour le pays. Ce projet, couronné par la cérémonie du 28 mai 2000, représente l’aboutissement de deux années de planification et de coopération entre de nombreuses organisations, et constitue un hommage tangible aux sacrifices de ceux qui ont servi.

En Australie

Plus de 310 000 soldats australiens ont participé à la Première Guerre mondiale, dont 180 000 sur le front occidental en Belgique et dans le nord de la France. Parmi eux, 60 000 ont perdu la vie, dont 48 000 sur le front occidental, où l’on dénombre 11 000 tombes de soldats inconnus.

Le cimetière militaire d’Adelaïde, à Villers-Bretonneux, a été édifié dès juin 1918 par les 2e et 3e divisions australiennes. Il contient 955 tombes de soldats tués entre mars et septembre 1918, lors de l’offensive allemande en Picardie. Pour marquer le 75e anniversaire de la fin de la Grande Guerre, l’Australie souhaitait organiser un événement de grande envergure. Ainsi, le 2 novembre 1993, les restes d’un soldat inconnu australien ont été exhumés de cette nécropole. Une stèle commémorative se dresse aujourd’hui à l’endroit où reposait sa tombe, rappelant cet événement.

Le matin du 2 novembre 1993, une première cérémonie a eu lieu au mémorial australien de Villers-Bretonneux, en présence de nombreuses personnalités et de militaires australiens et français. Par la suite, le corps a été transféré à la porte de Menin à Ypres, en Belgique, un lieu hautement symbolique pour tous les combattants du Commonwealth.

Le 5 novembre, un avion militaire a décollé de Cambrai, emportant le corps du soldat inconnu vers Sydney, où il a été reçu avec tous les honneurs le 7 novembre. De Sydney, il a été escorté jusqu’à Canberra par les armées australienne et française, où il a été veillé pendant trois jours à l’ancienne Maison du Parlement. Enfin, le 11 novembre, il a été inhumé à l’Australian War Memorial, juste après 11 heures.

Le Soldat inconnu repose désormais sous le dôme du hall du souvenir du Mémorial australien de la guerre. Lors de la cérémonie funéraire, une poignée de terre française a été déposée sur le cercueil par Robert Comb, un ancien combattant du front occidental. Cette poignée de terre, symbolique, provenait du site du moulin de Pozières, où 7 000 soldats australiens ont perdu la vie en l’espace de six semaines. En jetant ce morceau de terre dans la tombe, Robert Comb a murmuré : « Ça y est, mon gars, t’es chez toi ». Ces mots poignants ont marqué le retour symbolique du Soldat inconnu en terre australienne.

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